Lot n°127 de la vente du samedi 8 août 2020
Ramiro ARRUE (1892-1971)
Fête au Pays Basque avec Danseur au gilet rouge
Huile sur toile signée en bas à droite
90 x 301 cm
100 000 / 150 000 €
Au cœur même de sa ville d’adoption, Ramiro ARRUE nous réserve encore des découvertes passionnantes. Cette toile qui représente tous les personnages d’un Pays Basque rêvé et idéalisé est exceptionnelle par ses dimensions, mais surtout par son histoire qui retrace une partie du patrimoine luzien.
En effet, cette frise de 3 mètres de long a été peinte par Ramiro ARRUE en 1934, au sommet de sa notoriété, pour décorer le bar-restaurant du trinquet Andia qui deviendra trinquet Maïtena, au cœur de la ville. Il n’aura jamais quitté les lieux, malgré les travaux d’agrandissement, les changements de propriétaires et les réaménagements décoratifs. Toujours, il y aura eu sa place.
Une place de grand choix ! Sa taille ne pouvait le laisser inaperçu au milieu de la salle de restaurant. Il ornait également l’arrière-bar et on se souvient encore des derniers jours de l’artiste, quand, seul et sans le sou, il venait déjeuner face à son œuvre. Ce tableau est un véritable trait d’union entre la destiné de Ramiro ARRUE et l’histoire de Saint-Jean-de-Luz.
Au cœur des trois grandes artères commerçantes de la ville, rue Gambetta, Boulevard Thiers et avenue Victor Hugo, la parcelle est acquise par l’architecte Maurice Darroquy qui décide d’édifier ce trinquet. La Gazette de Bayonne qui relate l’inauguration du bâtiment dans différents articles de juin 1934, le décrit ainsi : « Le trinquet Andia de Saint-Jean-de-Luz est certainement le plus beau et le plus vaste de tous les établissements de Pelote » (Gazette de Bayonne, 4 juin 1934). C’est un trinquet privé mais qui fait la fierté de Saint-Jean-de-Luz par ses dimensions et sa modernité.
Lors de l’inauguration les 9 et 10 juin 1934, le maire de Saint-Jean-de-Luz et de nombreuses autres personnalités sont présentes. On y fait rejouer la finale du championnat de France de Pelote de l’année précédente. Ramiro ARRUE et son épouse sont là, avec également le Docteur Dotezac, médecin de l’artiste. (cf. Côte Basque ENCHERES vente du 7 décembre 2013 - lot 58).
La Gazette de Bayonne du 11 juin 1934 décrit ainsi la soirée avant-première de l’inauguration : « Les tables garnies des coupes de champagne, le bar resplendissant de cristaux, les chaises et canapés aux teintes originales, prenaient toute leur valeur sous un éclairage indirect d'une grande douceur. Une excellente peinture d'Arrué, rappelant diverses scènes de la vie basque, mettait sur les murs une note claire et gaie du plus heureux effet. » Notre tableau capte déjà l’attention au milieu du mobilier très certainement dessiné par Victor Courtray.
L’établissement accueille de mythiques matchs de Pelote, des réunions politiques, des conférences et des fêtes. En janvier 1935, après liquidation, il change une première fois de main. En 1938, il prend le nom de trinquet Maïtena à l’occasion d’un nouveau changement de propriétaire, avant que la famille des actuels propriétaires du tableau ne l’acquière en 1944. En 1962, le trinquet subit une importante transformation pour devenir celui que nous connaissons aujourd’hui, avec une salle de restaurant au rez-de-chaussée de l’hôtel. Jamais le tableau de Ramiro ARRUE ne quitte le fonds de commerce, avant que la famille ne se retire en 1985 et conserve l’œuvre.
Jusqu’à sa mort en 1971, Ramiro ARRUE revient régulièrement déjeuner au trinquet. Il est le plus souvent seul devant cette toile. Qu’a pu bien révéler Ramiro ARRUE à ce jeune danseur au gilet rouge ? Il a certainement beaucoup de choses à nous raconter, à la fois acteur des grandes fêtes du Pays Basque, mais aussi garde armé de l’identité des lieux. A gauche, le souvenir des belles soirées passées à refaire le monde, en attendant le jeu de Mus. A droite, la force vive du bouvier leur répond et encadre la scène. La légèreté et la joie de vivre du pays animent les jeunes couples qui se forment au centre de la toile, mais le seul qui nous regarde, coiffé de son béret rouge, comme une lumière, comme un phare, c’est ce danseur !
Les grandes caractéristiques picturales de Ramiro ARRUE sont bien présentes sur cette toile. La composition est scandée de scènes en scènes par des verticales dissimulées, comme toute l’architecture très ordonnée des lignes qui traversent le tableau. Plans et arrière-plan dialoguent. Et le cerne noir vient souligner chacun des personnages. Ramiro ARRUE a parfois abandonné l’expression de ses personnages à une idéalisation de ces représentations. Mais ici, la dimension de l’œuvre incite l’artiste à préciser son geste et chaque personnage porte un visage expressif et bien dessiné. Cette spécificité assez rare dans l’œuvre de Ramiro ARRUE est du meilleur goût.
Le tableau qui peut sans aucun doute être daté de 1934, s’inscrit dans la période de gloire de l’artiste. Il est l’une des trois seules toiles connues à ce jour d’une telle dimension. Evidemment, il est à rapprocher du Fandango de l’hôtel de ville de Saint-Jean-de-Luz (155 x 300 cm) pour lequel Ramiro ARRUE obtînt la médaille d’or à l’exposition des Arts Décoratifs de Paris en 1925. Une autre scène de Fandango, de dimensions identiques à notre œuvre a été vendue aux enchères en 2006. Les autres tableaux, aussi spectaculaires soient-ils, sont de tailles inférieures et parfois sur panneau.
Quelle présence ! Quelle histoire ! C’est avec une grande fierté et un immense plaisir que nous présentons aujourd’hui cette œuvre monumentale de Ramiro ARRUE au pédigrée luzien de premier choix.
Arnaud LELIEVRE, commissaire-priseur,
en collaboration avec Nicolas GUERIAUD-SORCABAL, Historien des arts et du Patrimoine
Avant 1962
Studio A.B.C. à Saint-Jean-de-Luz.
Après 1962, vers 1964.
Studio A.B.C. à Saint-Jean-de-Luz
Avant 1962, probablement avec mobilier de Courtray.
Photo Jean VELEZ à St-Jean-de-Luz
De gauche à droite : Isidro de MONZON, Dr DARICAU, Les frères BAREITZ, André ITHURALDE maire de Saint-Jean-de-Luz, et ???.
Photo Jean VELEZ à St-Jean-de-Luz
Carte postale publicitaire. Vers 1980
Après 1962.
Photo Jean VELEZ à St-Jean-de-Luz